mercredi 8 juillet 2009

St. Séraphim de Sarov - Sur la lumière du St. Esprit

Entretien de St Séraphim de Sarov avec Motovilov
 

sur la lumière 
du St Esprit

 

    C'était, écrit Motovilov, un jeudi.

     Le jour était gris. La neige recouvrait la terre de plus de quinze centimètres; il en tombait toujours une épaisse poudre blanche, quand le Père Séraphim commença l'entretien avec moi sur la proche clairière, à côté de ce même « proche petit ermitage », en face de la rivière Sarowka, là où la montagne descend près de ses rives. Il me plaça sur un tronc d'arbre qu'il venait d'abattre et s'accroupit en face de moi.

     - Le Seigneur m'a révélé, dit le grand Staretz, que depuis votre enfance, vous vouliez savoir quel était le but de notre vie chrétienne et que vous aviez maintes fois interrogé là-dessus plusieurs personnages haut placés dans la hiérarchie de l'Église.

     - Je dois dire que, depuis l'âge de douze ans, cette pensée m'a continuellement inquiété et, qu'en effet, j'ai posé cette question à beaucoup de personnalités ecclésiastiques, sans que leurs réponses m'apportassent une satisfaction. Le Staretz ignorait cela.

     - Mais personne, continua Père Séraphim, ne vous en a donné aucune définition. On vous disait: « Va à l'Église, prie Dieu, agis selon les commandements, fais le bien. Voilà le but de la vie chrétienne ». Et certains, même, trouvaient déplacée votre curiosité et vous répondaient : « Ne cherche pas au-dessus de ce qu'il t'est donné de comprendre ». Pourtant, ce n'est pas ainsi qu'il aurait fallu vous répondre. Aussi, moi, l'humble Séraphim, vous expliquerai maintenant en quoi consiste véritablement ce but.

     La prière, le jeûne, les veilles et autres bonnes pratiques chrétiennes, aussi excellentes qu'elles soient en elles-mêmes, sont insuffisantes en tant que but, quoiqu'elles soient indispensables pour l'atteindre.

     Le vrai but de notre vie chrétienne consiste dans l'acquisition de l'Esprit Saint de Dieu. Le jeûne, la prière, la charité et toute bonne action accomplie au nom du Christ, ne sont que des moyens pour cette acquisition du Saint-Esprit divin.

     Remarquez-le bien, petit Père, seule une bonne action faite au nom du Christ, apporte les fruits du Saint-Esprit. Tout le bien qui n'est pas fait au nom du Christ n'aura pas de récompense dans le siècle à venir et n'apporte pas ici-bas, la grâce, divine.

     C'est de cela que le Seigneur Jésus-Christ a dit: « Celui qui ne ramasse pas avec Moi, disperse! ».

     La bonne action ne peut être. appelée autrement que « récolte » car, bien qu'elle ne soit pas faite au nom du Christ, elle est néanmoins « bonne ». L'Écriture dit: « Quelle que soit sa langue, celui qui agit selon la Vérité est tellement agréable à Dieu, qu'à Cornelius, le centurion qui craignait Dieu et agissait selon la Vérité, l'Ange de Dieu apparut pendant sa prière et dit: « Envoie à Joppé, chez Simon, tu y trouveras Pierre, qui te dira les paroles de la vie éternelle qui te sauveront, ainsi que toute la maison ».

     Ainsi, Dieu emploie tous Ses moyens divins pour donner la possibilité à un tel homme de ne point perdre, dans la vie future, la récompense sollicitée par ses bonnes actions.

     Mais pour cela il faut, dès ici-bas, commencer par une foi véritable en Notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, venu dans le monde sauver les pécheurs, et par l'acquisition de l'Esprit Saint qui introduit dans notre cúur le royaume de Dieu et creuse le chemin pour l'obtention de la béatitude de la vie du siècle à venir.

     Mais cet agrément pour Dieu des bonnes actions accomplies, « non au nom du Christ », se limite par cela: le Créateur donne les moyens .pour leur accomplissement. C'est à l'homme de les accomplir ou de ne pas les accomplir. Voilà pourquoi le Seigneur a dit aux Hébreux : « Si vous étiez dans l'ignorance, vous ne seriez point pécheurs. Mais actuellement, vous dites que vous savez, et votre péché demeure ».

     Si l'homme, comme le fit Cornelius, profite de ce que son oeuvre fut agréable à Dieu, quoique non accomplie au nom du Christ, et se met à croire en Son Fils, alors. l'oeuvre accomplie lui sera comptée à cause de sa foi en Jésus, comme s'il l'eût faite en son Nom. Dans le cas contraire, l'homme ne peut pas se plaindre que le bien qu'il a accompli n'ait pas porté de fruits.

     Cela n'arrive jamais dans les cas où un bien quelconque est pratiqué au nom du Christ. Le bien fait en Son Nom, non seulement sollicite la couronne de Vérité dans la vie future, mais remplit l'homme, dès à présent, de la grâce du Saint-Esprit, et ceci comme il a été dit: « Dieu donne l'Esprit Saint au-delà de toute mesure, car le Père aime le Fils et a tout donné entre Ses mains ». C'est ainsi, votre Théophilie! C'est ainsi dans l'acquisition de cet Esprit de Dieu, que réside le vrai but de notre vie chrétienne.

     La prière, le jeûne, les veilles, la charité et toutes les autres pratiques faites au nom du Christ, sont seulement les moyens pour acquérir l'Esprit de Dieu.

     -. Comment, l'acquisition! dis-je alors. Je ne le comprend pas tout à fait.

     L'acquisition est comme un achat. Vous comprenez bien ce que veut dire l'acquisition de l'argent? Pareillement, l'acquisition de l'Esprit-Saint ! Puisque vous comprenez ce que l ' « acquisition » veut dire dans ce monde et que le but de la vie laïque de l'homme est l'acquisition de l'argent, l'enrichissement et, pour la noblesse, en plus de cela, les honneurs, les distinctions et autres récompenses pour les services rendus à l'État, vous pouvez également comprendre que l'acquisition du Saint-Esprit de Dieu constitue. aussi un capital, mais éternel et plein de grâce, obtenu par des voies semblables à celles par lesquelles les capitaux terrestres sont amassés.

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(1) Nous remercions vivement Mme Mouraview, de Lyon, qui a bien voulu nous faire la traduction en français du texte russe. C'est exprès que nous avons conservé, ici, un certain mot à mot, Mme Mouraview réservant pour plus tard la révision approfondie de ce texte qui doit être inséré dans le livre sur saint Séraphim que nous nous proposons d'éditer

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     Dieu, le Verbe, Notre Seigneur Dieu Homme, Jésus-Christ, compare notre vie à un marché et notre activité sur cette terre à un commerce. Il nous dit à tous: « Négociez jusqu'à Mon Avènement en économisant le temps, car les jours sont. incertains... ». C'est-à-dire: gagnez du temps pour l'acquisition des biens célestes, en utilisant les biens terrestres, ceux-ci étant représentés par les vertus pratiquées au nom de Jésus-Christ nous apportant la grâce du Saint-Esprit.

     Dans la parabole des Vierges Sages et des Vierges Folles, quand ces dernières manquent d'huile, il faut aller en acheter au marché. Or, quand elles en ont acheté, les portes de la chambre nuptiale: sont déjà fermées, et elles ne peuvent y entrer. Certains disent que le manque d'huile chez les Vierges Folles, symbolise l'insuffisance de bonnes actions. Cette explication n'est point juste. 

Quelle insuffisance de bonnes oeuvres auraient-elles, en effet, puisqu'elles sont nommées « VIERGES » quoique folles. La virginité est une haute vertu, car cet état égale celui des anges et pourrait, à lui seul, remplacer toutes les autres vertus.

     Moi, humble Séraphim, je pense qu'il leur manquait justement la Grâce de l'Esprit de Dieu. Pratiquant les vertus, ces vierges croyaient justement en ces pratiques. « Ayant fait une bonne action, pensaient-elles, nous avons fait, par cela même, l'oeuvre de Dieu ». Quant à la grâce du Saint-Esprit, elles ne se souciaient point de l'obtenir. C'est sur ce mode de vie, basé uniquement sur la pratique des vertus, sans avoir examiné minutieusement si elles rapportaient ces grâces du Saint-Esprit, et combien exactement, qu'il a été dit dans les Écritures :

     « Certaines voies paraissent être bonnes au commencement, mais leurs fins conduisent dans les abîmes infernaux ».

     Saint Antoine le Grand, dans ses Épîtres aux moines, dit de ces vierges: « Beaucoup de moines et de vierges ignorent totalement les différences dans les volontés agissantes dans l'homme. Ils ne savent pas que nous sommes le champ d'action de trois volontés: 1°) celle de Dieu, très parfaite et salvatrice pour tous; 2°) notre propre volonté humaine qui, en soi, n'est ni mauvaise, ni salutaire; 3°) celle du démon, nous conduisant à la perdition.

     Et c'est bien cette troisième volonté de l'ennemi qui apprend à l'homme , soit à ne pas pratiquer la vertu du tout, soit à le faire par vanité - ou pour le « bien » seulement, et jamais au nom du Christ.

     La deuxième, notre propre volonté, nous apprend à tout faire pour notre jouissance, ou alors, pareillement à celle de l'ennemi, nous apprend à faire le bien au nom du « bien » seul, sans se soucier de la grâce que l'on peut ainsi acquérir.

     Quant à la première volonté, celle de Dieu, elle consiste essentiellement dans la pratique du bien uniquement au nom du Christ, pour l'acquisition de l'Esprit Saint, ce trésor éternel inépuisable que rien ne peut, ici, estimer à sa juste valeur. Cette acquisition du Saint-Esprit est symbolisée par l'huile qui manquait chez les vierges folles. C'est pour cela qu'on les a appelées « folles », parce qu'elles ont oublié la chose essentielle, le fruit indispensable de la vertu - la grâce de l'Esprit Saint - sans quoi il ne peut y avoir de salut pour personne.

     Puisque: « Toute âme est vivifiée par l'Esprit-Saint et s'élève par La pureté, et, mystérieusement sacrée, s'éclaire par l'Unité Trinitaire », l'Esprit Saint Lui-même vient habiter nos âmes. Cette habitation dans nos âmes par Lui, Tout Puissant, et la coexistence de Son Unité Trinitaire avec notre propre esprit, nous est accordée seulement si nous nous efforçons d'acquérir par tous les moyens Sa Grâce. Cette acquisition de la grâce prépare dans notre âme et dans notre corps, le trône où Dieu vient pour coexister avec notre propre esprit en un acte créateur.

     Selon la parole immuable de Dieu: « Je viendrai et J'habiterai en eux et je serai leur Dieu et ils seront Mon peuple », c'est cette huile qui brûlait avec force et clarté dans les lampes des Vierges Sages, et elles purent ainsi attendre le Fiancé venu à minuit et pénétrer avec Lui dans la chambre nuptiale de la joie.

     Les Vierges folles, voyant que leurs lampes s'éteignaient, allèrent, en vain, acheter de l'huile au marché, car à leur retour les portes étaient déjà fermées.

     Le marché symbolise notre vie. Les portes de la chambre nuptiale fermées, qui empêchent l'accès vers le Fiancé, notre mort. Les Vierges folles et sages, les âmes chrétiennes L'huile ne symbolise pas les actions, mais bien la grâce du Très Saint-Esprit divin qui transforme ceci en cela : c'est-à-dire le corruptible en incorruptible, la mort psychique en vie Spirituelle, les ténèbres en lumière, notre étable existentielle, Où les passions sont enchaînées comme des bêtes, en temple de Dieu, en Chambre nuptiale de la joie ineffable en le Christ Jésus Notre Seigneur, Créateur, Rédempteur, Éternel Fiancé de nos âmes.

     Que la miséricorde divine envers notre malheur est grande ! Notre malheur, c'est notre inattention pour les soins qu'Il prend de nous, c'est cela notre malheur !

     Dieu dit: « Je suis à la porte et Je frappe! », comprenant par le mot « porte », le cours de notre vie non encore fermé par la Mort.

     Oh! Combien j'aurais désiré, votre Théophilie, que dans cette vie vous fussiez toujours en la grâce du Saint-Esprit.

     « Je vous jugerai dans l'état où je vous trouverai », dit le Seigneur. Malheur, grand malheur s'Il nous trouve appesantis par les soucis et les peines terrestres. « Qui pourra résister à Son courroux et qui pourra Lui faire face? ».. Et il est dit encore: « Veillez et priez afin de ne pas succomber dans la tentation », c'est-à-dire de ne pas perdre la grâce du Saint-Esprit, car les veilles et la prière sont les moyens pour en acquérir.

 

     Il est certain que toute vertu pratiquée au nom du Christ donne la grâce du Saint-Esprit, mais la prière plus que tout autre, parce qu'elle est toujours comme une arme à portée de la main pour l'obtention de la grâce.

     Vous auriez envie, par exemple, d'aller à l'église, mais elle se trouve trop éloignée ou l'office est terminé ; vous auriez envie de faire l'aumône, mais vous ne voyez point de pauvre, ou vous n'avez point de monnaie ; vous voudriez rester vierge, mais vous n'avez point assez de force pour cela, à cause de votre constitution ou à cause des embûches de l'ennemi auquel la faiblesse de votre chair humaine ne vous permet pas de résister ; vous voudriez peut-être faire une autre bonne action, au nom du Christ, mais vous n'avez pas assez de force pour cela. ou bien l'occasion ne s'en présente pas.

     Quant à la prière, tout ceci ne l'atteint pas ; chacun en a toujours la possibilité, le riche comme le pauvre, le notable comme le simple, le fort comme le faible, le bien portant comme le malade, le vertueux comme le pécheur.

     Quelle est la force de la prière, même s'il s'agit de celle d'un pécheur, pourvu qu'elle soit adressée du fond du cúur ? Jugez-en par cet exemple donné dans la Sainte Tradition :

     « Quand elle rencontra la mère désolée de l'adolescent ravi par la mort, la courtisane, qui n'avait pas encore été purifiée du péché commis. s'écria, saisie de pitié : « Seigneur, ce n'est pas à cause de moi, pauvre pécheresse, mais en considération de la mère douloureuse qui croit en Ta puissance et en la miséricorde, accorde, Jésus-Christ, Seigneur, de ressusciter le fils ! ».

Et Jésus le ressuscite.

     Ainsi, votre Théophilie, grande est la force de la prière et elle nous apporte plus que toute autre chose l'Esprit Divin, étant à la portée de chacun. Bienheureux serons-nous quand le Seigneur Dieu nous trouvera veillant dans la plénitude des dons de Son Esprit Saint. Nous pourrons alors espérer avec une sainte témérité d'être ravis sur un nuage à la rencontre, dans les airs, du Seigneur venant avec gloire et « en force » juger les vivants et les morts selon leurs úuvres.

     Ainsi, votre Théophilie, vous considérez donc comme un grand bonheur de pouvoir vous entretenir avec moi, l'humble Séraphim, car vous êtes sûr qu'il n'est point dépourvu de grâce.

     Alors, que dirions-nous de l'entretien avec le Seigneur Dieu. source inépuisable de grâces célestes et de biens terrestres

     Et c'est justement par la prière que nous devenons dignes de nous entretenir avec lui-même, notre Dieu très Bon, Source vivifiante et notre Rédempteur.

     Mais, là aussi, il ne faut prier que jusqu'au moment où le Saint-Esprit, descendant sur nous, nous accorde dans une certaine mesure connue de Lui, Sa grâce céleste. En effet, à quoi bon L'implorer : « Viens et demeure en nous et purifie-nous de toute souillure, et sauve, ô Très Bon, nos âmes ! », quand déjà Il a daigné venir vers nous pour nous sauver, confiants et implorants en humilité et amour Son Saint Nom, afin de Le recevoir dans le temple intérieur de nos âmes assoiffées et affamées de Sa venue.

     Je veux expliquer cela à votre Théophilie par un exemple : Supposez que vous m'eussiez invité chez vous, que je me fusse rendu à votre invitation et eusse voulu m'entretenir avec vous. Et vous, malgré cela, auriez quand même continué à m'inviter : « Veuillez venir chez moi ! ». J'aurais dit certainement : « Qu'a-t-il ? Il n'est plus en possession de sa tête : je suis venu chez lui, et voilà qu'il continue à m'inviter ! ». C'est la même chose avec le Seigneur Dieu, l'Esprit Saint.

     C'est pour cela qu'il est dit : « Effacez-vous et comprenez que Je suis Dieu J'apparaîtrai aux peuples. J'apparaîtrai sur la terre. » Cela veut dire Je vais apparaître à celui qui croit en Moi, qui M'appelle, et Je vais m'entretenir avec lui, comme Je me suis entretenu avec Adam au Paradis, avec Abraham, Jacob et mes autres serviteurs Moïse, Jacob, et ceux qui leur ressemblent. Beaucoup de personnes expliquent qu' « annulation » concerne seulement les affaires de ce monde, c'est-à-dire que pour un entretien en prière avec Dieu, il faut s'écarter de toute chose terrestre. Mais je vous dirai, selon Dieu : certainement, il faut annuler tout cela, mais quand, appelé par la puissante force de la foi et de la prière, le Seigneur Dieu Saint-Esprit nous visitera, viendra vers nous, dans la plénitude ineffable de Sa Grâce, alors il faut supprimer la prière même.

     L'âme parle et profère des paroles quand elle est en prière ; et à la descente de l'Esprit Saint, il convient d'être absolument silencieux, écouter clairement et s'instruire des paroles de la vie éternelle qu'il voudra alors vous annoncer. Il convient d'être pleinement éveillé en son âme, son esprit, et par son corps. Ainsi, à la montagne de Chorive, on a dit aux Hébreux de ne pas toucher leurs femmes pendant trois jours avant l'apparition de Dieu au mont Sinaï, puisque notre Dieu est un feu dévorant toute impureté et rien d'impur de corps ou d'esprit ne peut entrer en contact avec Lui.

     - Mais comment pratiquer, mon Père, les autres vertus au nom du Christ, pour l'obtention de la grâce du Saint-Esprit ? Vous venez de me parler seulement de la prière.

     - Négociez aussi la grâce du Saint-Esprit par toutes les autres vertus pratiquées au nom du Christ. Négociez ces biens spirituels en employant de préférence ceux qui vous apportent un bénéfice plus grand. Ramassez le capital de ces bénéfices, bienheureux de la grâce divine, déposez-les dans l'épargne éternelle divine, aux pourcentages immatériels, et non à 4 ou 6% mais au moins à 100 % et encore infiniment plus que cela.

     Par exemple : la prière en veillant vous apporte plus de grâce : veillez et priez ! Le jeûne vous apporte-t-il beaucoup de grâce ? Alors, jeûnez ! La charité vous en apporte-t-elle plus encore ? Faites la charité ! Et ainsi, considérez chaque bonne action faite au nom du Christ. Ainsi vous donnerai-je l'exemple de ma propre vie, celle de l'humble Séraphim :

     Je suis d'une famille de commerçants de la ville de Koursk et, avant que je n'entre au couvent, nous négociions ainsi les marchandises qui nous rapportaient les plus gros bénéfices. Faites de même , petit Père, et, de même que dans le commerce il est question non seulement de transaction, mais encore de réaliser de meilleurs bénéfices, ainsi dans votre vie chrétienne le but n'est-il pas seulement de prier ou de faire du bien, mais d'obtenir le plus de grâce possible.

     Bien que l'Apôtre dise : « Priez sans cesse », il vous souvient qu'il ajoute aussi Il vaut mieux que cinq mots soient dits avec le concours de toute mon intelligence, que mille mots avec la langue seulement. »

     Et le Seigneur dit : « Ce n'est pas celui qui m'appelle « Seigneur, Seigneur », qui sera sauvé, mais celui qui accomplit la volonté de mon Père. » Cela veut dire - faisant l'úuvre de Dieu avec piété - car, « condamné est celui qui fait l'úuvre de Dieu sans zèle ».

Et l'úuvre de Dieu, c'est de « croire en Dieu et en Celui qu'Il a envoyé, Jésus-Christ ».

     Si l'on réfléchit correctement sur les commandements du Christ et sur ceux des Apôtres, on voit alors que notre activité chrétienne ne réside pas dans l'accroissement du nombre des bonnes actions, « qui ne sont que des moyens pour arriver au but principal de la vie chrétienne, mais réside dans le profit que l'on en retire, c'est-à-dire dans l'acquisition des dons tellement abondants du Saint-Esprit.

     J'aurais tant voulu, votre Théophilie, que vous ayez trouvé cette Source intarissable de grâce et que, constamment, vous vous interrogiez : « L'Esprit-Saint est-il avec moi ou non ? Et si l'Esprit est avec moi, que Dieu soit alors béni ! ».

     De quoi nous inquiéterions-nous ? On peut même aussitôt se présenter devant le Jugement dernier du Christ, puisqu'il est dit :

     « Je jugerai selon l'état dans lequel Je vous trouverai ! » (1)

     Sinon il faut trouver la cause pour laquelle l'Esprit-Saint vous a quitté et le rechercher à nouveau et sans relâche jusqu'à ce que le Seigneur Saint-Esprit soit retrouvé et demeure à nouveau avec nous par Sa Grâce.

     Il faut pourchasser les ennemis qui nous empêchent d'aller vers Lui, j'usqu'à leur anéantissement. Comme l'a dit le prophète David : « Je poursuivrai les ennemis et je les atteindrai, et ne reviendrai pas tant qu'ils ne seront pas exterminés ; je les offenserai et ils ne pourront se relever : Ils tomberont sous mes pieds ». 

     Ainsi, petit Père, faites du commerce spirituel avec de la vertu. Distribuez les dons de la Grâce de l'Esprit Saint à qui les demande, en vous inspirant de cet exemple : le cierge allumé, tout en brûlant lui-même d'un feu terrestre, allume d'autres cierges qui éclaireront d'autres endroits, sans pour cela amoindrir son éclat. Si telles sont les propriétés du feu terrestre, que dirions-nous du feu de la Grâce du très Saint-Esprit de Dieu ?

     De même, par exemple, la richesse terrestre distribuée diminue et la richesse céleste de la Grâce divine augmente au contraire chez celui qui la donne. Ainsi le Seigneur Lui-même a daigné dire à la Samaritaine : « Celui qui boit cette eau aura à nouveau soif ; celui qui sera abreuvé par l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif, car cette eau sera en lui la source s'écoulant dans la vie éternelle.

     - Mon Père, dis-je, vous parlez tout le temps de l'acquisition de la Grâce de l'Esprit Saint comme étant le but de la vie chrétienne ; mais comment et où puis-je la reconnaître ? Les bonnes actions sont reconnaissables ; mais comment l'Esprit Saint peut-Il être vu ? Comment pourrais-je savoir s'Il est ou non avec moi ?

 

     - Dans le temps présent, répondit le Staretz, à cause de notre froideur générale pour la sainte Foi en Notre Seigneur Jésus-Christ et à cause de l'inattention que nous manifestons vis-à-vis de l'action en nous de Sa divine Providence et de la perte du contact de l'homme avec Dieu, nous sommes arrivés à un tel point que nous nous sommes éloignés de la vraie vie chrétienne. Étrange nous parait actuellement le témoignage des Écritures Saintes, quand l'Esprit de Dieu, par la bouche de Moïse, dit : « Et Adam a vu le Seigneur se promenant au Paradis... », ou, si nous lisons dans l'apôtre Paul : « Nous allions à Antioche et l'Esprit de Dieu n'alla point avec nous. Alors, nous retournâmes vers la Macédoine et l'Esprit de Dieu nous accompagna ».

 

     Dans bien d'autres endroits de l'Écriture Sainte il est question de l'apparition de Dieu à l'homme. Aussi, certains disent-ils : « Ces écrits sont incompréhensibles ! L'homme peut-il vraiment voir Dieu d'une façon évidente ? ».

     Et pourtant, il n'y a rien d'incompréhensible. Cette « incompréhension » provient du fait que nous nous sommes éloignés de la SIMPLICITÉ DU SAVOIR des premiers chrétiens et, sous prétexte d'instruction, sommes entrés dans les TÉNÈBRES DU NON SAVOIR.

     Alors qu'au contraire, les Anciens mentionnaient souvent dans leurs conversations habituelles l'apparition de Dieu parmi les hommes, sans trouver cela étrange.

 

     Ainsi Job, quand ses amis lui reprochaient de médire de Dieu, répondait : « Comment cela se pourrait-il, quand je sens la respiration du Tout-Puissant dans mes narines. » Ce qui veut dire : « Comment pourrais-je insulter le Seigneur quand Son Saint-Esprit est avec moi... Si j'avais insulté Dieu, Son Esprit Saint m'aurait abandonné, mais là je sens son souffle dans mes narines ! »

     De même, il est dit qu'Abraham et Jacob ont vu Dieu et ont conversé avec Lui. Jacob, même, lutta avec Dieu. Moïse a vu Dieu, ainsi que tout le peuple, quand il à eu la grâce de recevoir les Tables de la Loi, sur la montagne de Sinaï. La colonne de nuages et de feu - c'est-à-dire la Grâce évidente - de l'Esprit Saint, servait de guide au peuple de Dieu dans le désert. Les hommes voyaient Dieu et la Grâce de Son Esprit Saint, non pas en dormant ou en rêve, ou en extase - fruit d'une imagination malade, - mais vraiment, en toute réalité. Nous sommes devenus tellement inattentifs à l'oeuvre de notre salut et il en résulte que nous comprenons beaucoup d'autres paroles des Saintes Écritures autrement qu'il ne faudrait. Et tout cela parce que nous ne cherchons point la Grâce divine, que nous l'empêchons, par l'orgueil de notre raison, de venir habiter nos âmes et. à cause de cela, n'avons plus l'instruction véritable donnée par Dieu aux coeurs des hommes affamés et assoiffés de Sa Vérité.

 

     Plusieurs personnes expliquent que, quand la Bible dit : « Dieu insuffla l'Esprit de Vie en la face d'Adam, premier né et créé par Lui du limon de la terre », cela veut dire que jusqu'à ce moment-là Adam n'était que chair créé du limon , sans âme ni esprit. Cette explication n'est point juste ! Le Seigneur Dieu a créé Adam du limon en lui donnant une constitution telle que l'apôtre Paul affirme : « Que votre esprit, âme et corps Soient parfaits à l'avènement du Seigneur Jésus-Christ ». (1)

     Chacune de ces trois parties de notre être était créée du limon (2) de la terre. et Adam n'était pas créé mort, mais comme une créature animale agissante, pareillement à d'autres créatures de Dieu, animées, vivant sur la terre. Mais. la chose essentielle est que, si Dieu n'avait pas insufflé ensuite à la face d'Adam. ce « souffle de vie », c'est-à-dire la Grâce du Seigneur Dieu Esprit Saint procédant du Père, reposant dans le Fils et envoyé dans le monde à cause du Fils, alors Adam, créé aussi parfaitement supérieur qu'il fût à toute la création, étant son couronnement, serait néanmoins demeuré sans avoir au dedans de lui l'Esprit Saint l'élevant à la dignité d'un être ressemblant à Dieu, et serait pareil à toutes les autres créatures ayant corps, âme, esprit - chacune selon son espèce - mais ne possédant pas au-dedans d'elles l'Esprit Saint.

 

     Quand le Seigneur Dieu insuffla l'Esprit de Vie dans la face d'Adam, alors, selon l'expression de Moïse, il devint « un Adam avec l'Âme de Vie », c'est-à-dire en tout pareil à Dieu, comme Lui immortel dans les siècles des siècles !

     Adam avait été créé jusqu'alors invulnérable ; aucun élément créé n'avait d'action sur lui : l'eau ne pouvait le submerger, le feu ne pouvait le brûler, la terre ne pouvait l'engloutir dans ses gouffres, l'air ne pouvait lui nuire d'aucune façon ; tout lui était soumis comme au favori de Dieu, comme au roi possédant la création. Et tous l'admiraient comme le couronnement de, la création de Dieu.

 

     A cause de l'Esprit insufflé dans la face d'Adam par la bouche du Très Puissant Dieu Créateur, Adam fut rempli par une incomparable sagesse ; jamais homme sur la terre ne pouvait, ne peut, ni ne pourra lui être comparé, tant sa sagesse et son savoir étaient grands. Quand Dieu lui ordonna de baptiser toute créature, Adam donna à chacune le nom convenable, caractérisant toutes les propriétés, la force et les qualités que chaque espèce possédait d'après le don que Dieu lui octroya pendant la création.

     C'est à cause de ce don surnaturel de la grâce divine du souffle de Vie qu'Adam a pu comprendre et voir Dieu qui se promenait au Paradis. Le verbe de Dieu lui fut intelligible, de même que la conversation des anges et le langage de toutes les bêtes, oiseaux, reptiles, vivant sur la terre. Toutes les choses maintenant cachées pour nous, pécheurs, tout cela fut clair et compréhensible à Adam avant la chute.

 

     Dieu donna à Eve la même sagesse, force et puissance, et autres saintes et bonnes qualités, après l'avoir créée, non du limon, mais à partir de la côte d'Adam, dans l'Éden de douceur, au Paradis que Dieu planta au milieu de la terre. Afin qu'Adam et Eve puissent toujours facilement entretenir en eux les propriétés divines, immortelles, parfaites, de grâce de ce souffle de Vie, Dieu planta au milieu du Paradis l'Arbre de Vie et enferma dans ses fruits l'essence même et la plénitude des dons de Son souffle divin. Si Adam et Eve n'avaient point péché, alors eux-mêmes et toute leur descendance auraient pu toujours, en mangeant des fruits de l'Arbre de Vie, entretenir en eux la force éternellement vivifiante de la Grâce de Dieu et garder une immortelle plénitude de, force et jeunesse de la chair, de l'âme, de l'esprit, sans vieillissement possible. Un état de Béatitude éternelle, infinie, que notre imagination actuelle ne peut même pas concevoir.

 

     Quand Adam et Eve, prématurément et contrairement aux commandements de Dieu, goûtèrent aux fruits de l'Arbre et la connaissance du Bien et du Mal, ils apprirent la différence entre le Bien et le Mal et succombèrent à toutes les vicissitudes qui suivirent la transgression des commandements de Dieu . Alors ils perdirent ce don inappréciable de la Grâce de l'Esprit de Dieu. Jusqu'à l'incarnation de l'Homme-Dieu Jésus-Christ, l'Esprit de Dieu « n'était plus dans le monde, puisque Jésus n'était pas encore glorifié » !

     Cependant cela ne veut pas dire que l'Esprit de Dieu était complètement absent du Monde, mais Sa présence n'avait pas la mesure pleine qu'elle avait en Adam ou qu'elle peut avoir en nous, chrétiens orthodoxes. Elle se manifeste partiellement et l'humanité en connut toujours les signes. Ainsi, par exemple, à Adam après sa chute, ainsi qu'à Eve, ont été révélés les nombreux mystères concernant le salut ultérieur du genre humain., Malgré son iniquité, Caïn a pu comprendre la voix de Dieu qui lui reprochait son crime. Noé a pu s'entretenir avec Dieu. Abraham a vu Dieu et « Son Jour » et s'en est réjoui. La Grâce de l'Esprit Saint agissant de l'extérieur se refléta dans tous les prophètes et les saints d'Israël. Les Juifs installèrent par la suite des écoles spéciales prophétiques; on y renaît à discerner des signes d'apparition de Dieu et des Anges et les différences entre les manifestations du Saint Esprit et les manifestations naturelles du monde créé.

     Saint Siméon, les ancêtres Joachim et Anne, et d'innombrables serviteurs de Dieu eurent fréquemment des révélations diverses, des voix, des apparitions divines suivies de miracles évidents les affirmant.

Avec une force moins grande que dans le peuple de Dieu, la présence de l'Esprit Saint se manifestait aussi parmi les païens ignorant le Dieu véritable, puisque dans leur milieu Dieu trouva des hommes de son choix. telles étaient par exemple les sibylles-vierges prophétisantes ; elles gardaient leur virginité pour un Dieu inconnu, mais Tout Puissant et Créateur de l'Univers et Ordonnateur comme le reconnaissaient les païens. De même, les philosophes païens, quoiqu'errant dans les ténèbres de la non-connaissance de Dieu, à la recherche de la Vérité, chère à Dieu, pouvaient, à cause de cette recherche qui lui est agréable, être dans une certaine communion avec l'Esprit Saint, puisqu'il est dit : « Les peuples ignorant Dieu, faisant naturellement le bien, agissent d'une manière agréable à Dieu ».

     Dieu aime tellement la Vérité que, par le Saint Esprit, Lui-même annonce : « L'Esprit de Vérité (Istina) brille en s'élevant sur la terre et la Vérité descend des cieux ».

     Ainsi. votre Théophilie, dans le peuple hébreu. sacré et aimé de Dieu. et parmi les païens ignorant Dieu, s'est conservé une connaissance de Dieu. c'est à dire la compréhension intelligente et claire de l'action du Saint Esprit dans l'homme. Aussi les peuples savaient-ils comment et selon quels signes extérieurs et quels sentiments intérieurs on pouvait être assuré que c'était vraiment l'action du Saint -Esprit et non l'envoûtement de l'ennemi. Cela se passait ainsi dans le monde, à partir d'Adam et jusqu'à l'incarnation du Seigneur Jésus-Christ.

     Sans cela, votre Théophilie, sans cette connaissance directe de l'action de l'Esprit Saint, conservée toujours dans l'humanité, il eût été impossible de savoir vraiment si le fruit de la semence de la femme qui devait écraser la tête du serpent, est venu dans le monde, comme il a été promis à Adam et Eve. Et voilà saint Siméon, après la révélation qu'il reçoit à l'âge de 65 ans sur le mystère de la conception de la Vierge Marie et la nativité du Seigneur, vit encore 300 ans, par la grâce de l'Esprit Saint de Dieu. A l'âge de 365 ans, pendant la présentation au temple, saint Siméon dit clairement qu'il a reconnu, par la grâce du Saint Esprit, que l'enfant est ce même Christ Rédempteur dont la conception surnaturelle et la naissance par le Saint Esprit lui ont été annoncées 300 ans auparavant par l'ange.

 

     De même, sainte Anne, prophétesse, la fille de Fanouyle, veuve depuis 80 ans, servante de Dieu, connue par tous pour des dons particuliers de la Grâce, sa pureté et sa véracité, proclame qu'en vérité c'est le Messie, vrai Christ, Dieu et homme, Roi d'Israël venu pour sauver Adam et tous les hommes.

 

     Quand Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu accomplir l'úuvre entière de rédemption, alors, après Sa Résurrection, Il souffla sur les Apôtres et renouvela ce même souffle de Vie perdu par Adam, leur octroyant la Grâce du Saint-Esprit divin.

     Plus que cela, puisqu'il leur dit qu'il allait vers le Père, que s'Il n'y allait pas, l'Esprit Saint ne viendrait pas dans le monde. Et si Lui, le Christ,, allait vers le Père, Il enverrait dans le monde l'Esprit Saint, et ce même Esprit Saint « Consolateur » leur enseignerait ainsi qu'à tous ceux qui les suivraient, toute Vérité et leur rappellerait tout ce que le Christ leur a dit étant encore dans le monde.

Ainsi était déjà promise par Lui la « Grâce sur Grâce » perdue,

 

     Et voilà le jour de la Pentecôte, solennellement, Il leur envoya l'Esprit Saint en un souffle de tempête, sous forme de langues de feu posées sur chacun d'eux. les pénétrant et les remplissant de la force flamboyante de la Grâce divine; souffle qui, tel une rosée reverdissante, recrée tout en joie dans les âmes qui communient à Sa force et à Ses activités.

     Et cette même grâce du souffle du feu de l'Esprit Saint, quand elle est donnée à nous tous, fidèles du Christ, dans le sacrement du saint Baptême, est scellée sacramentellement par l'onction des endroits essentiels (indiqués par l'Église) de notre corps, dépositaire éternel de cette Grâce. On dit la formule: « Le sceau du don de l'Esprit-Saint ».

     Sur quoi, votre Théophilie, déposons-nous, humbles que nous sommes, nos sceaux, sinon sur les récipients contenant quelques trésors que nous apprécions hautement. Qu'est-ce qui peut-être supérieur en ce monde, c'est-à-dire plus précieux que les dons du Saint-Esprit, reçus d'en haut dans le sacrement du Baptême.

 

     Cette grâce, reçue au baptême, est si grande, si indispensable, si vivifiante pour l'homme, qu'elle ne lui est point enlevée jusqu'à sa mort - même s'il devient hérétique, - la mort n'étant que le terme désigné d'en Haut par la Providence divine pour l'essai existentiel de l'homme sur la terre, afin de voir ce qu'il va faire à l'aide de cette grâce pendant le laps de temps octroyé par Dieu.

     Si nous ne péchions jamais après notre baptême, nous serions toujours des serviteurs de Dieu saints et immaculés, inaccessibles à la souillure de la chair et de l'esprit.

 

 

     Mais voilà le malheur, c'est qu'en prenant de l'âge, nous ne grandissons pas en sagesse et en grâce divine, comme le faisait notre Seigneur Jésus-Christ. Au contraire, nous nous dépravons peu à peu, perdons la grâce du très saint-Esprit de Dieu et devenons pécheurs ou même d'abominables pécheurs. Mais quand quelqu'un, exalté par la Sagesse divine qui cherche notre salut par toutes les voies, se décide en Son Nom à se tourner vers Dieu et à veiller pour l'obtention de son salut éternel, alors un tel homme, écoutant la voix de la Sagesse, doit recourir au vrai repentir de tous ses péchés et à la pratique des vertus contraires aux péchés commis; par ces pratiques des vertus au nom du Christ, il arrivera à l'acquisition du Saint-Esprit agissant au dedans de nous et y organisant le Royaume de Dieu. La parole de Dieu ne le dit pas en vain : « Le Royaume de Dieu est au dedans de vous, on l'acquiert par la violence de l'effort ».

 

     Cela veut dire que les hommes qui, malgré les liens du péché qui les tiennent, les poussant à de nouvelles iniquités et les empêchant par leur contrainte d'aller vers Lui, notre Rédempteur, avec le parfait repentir, pour s'immoler avec Lui, méprisent toute la force de ces liens du péché et font de violents efforts pour les rompre, et bien de tels hommes apparaissent ensuite devant la face de Dieu vraiment plus blancs que la neige, blanchis par la Grâce.

     « Venez », dit le Seigneur, « et si vos péchés sont écarlates, Je les rendrai blancs comme la neige » .

     C'est ainsi que, pénétrant les mystères, saint Jean l'Évangéliste a vu de tels hommes en vêtements blancs, c'est-à-dire en vêtements de justification, la palme à la main en signe de victoire, chantant à Dieu le chant merveilleux « alléluia ». « La beauté de leurs chants ne pouvait être imitée par personne ».

 

     En parlant de ces hommes, l'ange de Dieu dit : « Ceux-là sont venus à travers une grande souffrance, ils ont rectifié leurs vêtements qu'ils ont blanchis dans le sang de l'Agneau », « rectifié » par la souffrance, « blanchis » en communiant aux Très Saints Vivifiants Mystères de la Chair et du Sang de l'Agneau sans tache, immaculé, Christ volontairement immolé avant les siècles pour le salut du monde, toujours et jusqu'à aujourd'hui immolé, fractionné et jamais consommé, nous donnant un éternel et inépuisable, salut à l'heure du départ pour la vie éternelle, une réponse favorable à l'heure de Son redoutable jugement.

     C'est le change très précieux, dépassant tout entendement, de ce fruit de l'Arbre de Vie dont l'ennemi de l'homme, Lucifer, tombé du ciel, aurait voulu dépouiller l'humanité.

     Bien que l'ennemi, Satan, ait séduit Eve et qu'Adam soit tombé avec elle, le Seigneur non seulement leur donna le Rédempteur, Qui par Sa mort vainquit la Mort, mais donna à nous tous, en la personne de Marie, toujours Vierge, Mère de Dieu, qui a effacé en elle-même et efface dans tout le genre humain la tête du serpent, une avocate intercédant sans cesse avec instance auprès de son Fils, notre Dieu, une avocate que rien ne peut rebuter, qui gagne toujours, même s'il s'agit de la cause des plus abominables pécheurs.

 

 

     C'est pour cela que la Mère de Dieu est appelée « Ulcère des diables! », puisqu'il est impossible au diable de faire périr l'homme, pourvu que l'homme lui-même ne cesse de recourir à l'aide de la Mère de Dieu.

 

     Je dois encore, humble Séraphim, expliquer à votre Théophilie en quoi consiste la différence entre l'action de l'Esprit Saint, Qui vient, en un saint mystère, habiter le coeur de ceux qui croient au Seigneur Dieu. notre Sauveur Jésus-Christ, et l'action de la « ténèbre du péché », ténèbre à l'instigation du diable et enflammée par lui, agissant en nous comme une voleuse. L'Esprit de Dieu remet constamment en notre mémoire les paroles du Seigneur Jésus-Christ avec Qui Il agit toujours solennellement, créant la joie dans nos coeurs et dirigeant nos pas vers le chemin de la paix.

     L'esprit envoûteur, satanique, oeuvre subtilement dans le sens contraire au Christ et ses actions en nous sont tumultueuses, révoltées, pleines de la luxure de la chair et des yeux et de vaniteux orgueil.

« En vérité. en vérité, Je vous le dis : Celui qui vit et croit en Moi ne mourra jamais! »

     Cela veut dire: celui qui possède la Grâce de l'Esprit Saint à cause de sa foi orthodoxe, s'il a la faiblesse humaine de commettre quelque péché et meurt spirituellement, ne connaîtra cependant jamais la mort, car il sera ressuscité par la Grâce du Seigneur Jésus-Christ Qui prend sur Lui les péchés du monde et octroie gratuitement Grâce sur Grâce.

     On dit dans l'Évangile, en parlant de cette Grâce, manifestée au monde entier et à toute l'humanité dans l'Homme-Dieu: « il était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes », et on ajoute: « La Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne peuvent la saisir »,

     Cela veut dire que la Grâce de l'Esprit Saint donnée par le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, malgré les chutes de l'homme, malgré les ténèbres autour de notre âme, brille quand même au fond du coeur d'une Lumière divine, qui a été dès le commencement, Lumière des mérites inappréciables du Christ. Devant le non-repentir du pécheur cette Lumière du Christ clame au Père: « Ave Pater! Que Ton courroux ne soit pas sans rémission contre ce non-repentir ». Et après, quand le pécheur se tourne vers le chemin du repentir, elle efface complètement les traces mêmes des crimes commis, habillant à nouveau l'ancien criminel d'un vêtement incorruptible tissé de la Grâce de l'Esprit Saint, dont l'acquisition est le but de la vie chrétienne, comme je ne cesse de le faire entendre à votre Théophilie.

     Je vous dirai, pour que vous l'entendiez mieux encore, ce qu'il faut comprendre par la GRÂCE DE DIEU, comment la reconnaître et comment se manifeste particulièrement son action sur les hommes qui en sont éclairés.

La Grâce du Saint Esprit est LUMIÈRE. Elle éclaire l'homme. Toutes les Saintes Écritures en parlent.

     L'ancêtre du Dieu-homme, David, a dit: « Le luminaire qui éclaire mes pas, C'est Ta Loi et mes pas suivent Ta Lumière, et si je n'avais pas été enseigné par Ta Loi, j'aurais déjà péri en mon humilité ».

     Cela veut dire: La Grâce de l'Esprit Saint exprimée dans la Loi par les paroles des Commandements de Dieu sont mon luminaire et ma lumière. Et si ce n'est pas la Grâce de l'Esprit Saint que j'acquiers avec une telle patience et une telle application, il faut que sept fois par jour j'apprenne à connaître les destinées (destinées = chemins) de Ta Vérité; si ce n'était pas cette Grâce qui m'avait toujours éclairé dans la multitude des soucis qui m'accompagnent nécessairement dans ma grande fonction de roi, où aurais-je pris même une étincelle de lumière pour éclairer ma voie dans le chemin de la vie rendu ténébreux par l'inimitié de mes ennemis.

 

     En effet, le Seigneur maintes fois manifesta aux yeux de beaucoup l'action de la Grâce de l'Esprit Saint sur les hommes qu'Il voulait éclairer et instruire, par Ses grandes révélations.

Rappelez-vous Moïse après sa conversation avec Dieu sur la montagne de Sinaï. Les hommes ne pouvaient le regarder, tellement sa face était nimbée d'une lumière extraordinaire; il était même obligé de n'apparaître au peuple que sous un voile.

     Rappelez-vous la « Transfiguration » du Seigneur sur la montagne de Thabor! Une grande lumière Le saisit, « Ses vêtements devinrent blancs comme de la neige éclatante et Ses disciples, pris de crainte, tombèrent la face contre terre ». Et quand Moïse et Elie apparurent baignés de la même lumière, alors il est dit: « Un nuage » cacha le rayonnement de la Lumière divine, afin de préserver les yeux aveuglés des disciples.

     Ainsi, la Grâce du Saint Esprit apparaît comme une ineffable Lumière à tous ceux auxquels Dieu veut bien la manifester.

     - Mais, demandai-je, petit Père Séraphim, de quelle manière puis-je reconnaître si je me trouve en la Grâce du Saint Esprit?

     - C'est fort simple, votre Théophilie, répondit-il, puisque Dieu dit : « Tout est simple pour celui qui acquiert la Sagesse ». Notre malheur, c'est que nous ne la recherchions point, cette Sagesse divine qui n'est pas présomptueuse, n'étant pas de ce monde. Cette Sagesse, remplie d'amour pour Dieu et le prochain, recrée chaque homme pour son salut.

 

     C'est en parlant de cette Sagesse que le Seigneur a dit: « Dieu veut que tous soient sauvés et parviennent à la Sagesse de la Vérité ».

     En parlant du manque de cette Sagesse, le Seigneur dit à Ses Apôtres: « Combien vous manquez de Sagesse! N'avez-vous pourtant pas lu les Écritures pour pouvoir comprendre cette parabole! »

     Et encore, de cette Sagesse d'esprit il est dit dans les Évangiles, en parlant des Apôtres: « Dieu a ouvert leur intelligence » et les Apôtres savaient toujours si l'Esprit de Dieu était avec eux ou non. Pénétrés par Lui, reconnaissant Sa présence en eux, ils disaient affirmativement que leur cause était sainte et agréable à Dieu.

 

     Ceci explique pourquoi, dans leurs Épîtres, ils écrivaient: « Il a plu au Saint Esprit et à nous... », et seulement sur ces bases proposaient leurs Épîtres comme vérité infaillible, utile à tous les croyants, puisqu'ils reconnaissaient en eux d'une façon qui leur était tangible la présence de l'Esprit Saint. Aussi, votre Théophilie, voyez comme c'est simple !

     - Quand même, répondis-je, je ne comprends pas encore comment je puis être vraiment sûr d'être dans l'Esprit Saint ! Comment puis-je en moi-même reconnaître Sa véritable présence ?

Petit Père Séraphim répondit : « J'ai déjà dit, votre Théophilie, que c'était fort simple et vous ai raconté d'une façon détaillée comment les hommes peuvent être en la plénitude de l'Esprit Saint et comment il faut reconnaître Son apparition en nous. Alors, petit père, que voulez-vous de plus ? ».

     - Il me faut, dis-je, pouvoir le comprendre mieux encore !.

Alors Père Séraphim me serra fortement les épaules et dit

     - Nous sommes tous les deux en la plénitude de l'Esprit Saint ! Pourquoi ne me regardes-tu pas ?

     - Je ne le puis, dis-je, petit Père car des foudres jaillissent de vos yeux. Votre face est devenue plus lumineuse que le soleil et mes yeux sont broyés de douleur !

 

     - N'ayez pas peur, dit saint Séraphim. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi; vous êtes aussi, à présent, en la plénitude de l'Esprit Saint Autrement, vous n'auriez pu me voir ainsi ». Et inclinant la tête vers moi, il me dit doucement à l'oreille: « Remerciez le Seigneur de nous avoir donné Sa Grâce ineffable. Vous avez vu que je n'ai même pas fait un signe de croix; seulement, dans mon coeur, en pensée, j'ai prié le Seigneur Dieu et j'ai dit: « Seigneur, rends-le digne de voir clairement avec ses yeux de chair la descente de l'Esprit Saint, comme Tu l'as fait voir à Tes serviteurs élus quand Tu daignas apparaître dans la magnificence de Ta Gloire ! ». Et voilà, petit père, Dieu exauça immédiatement l'humble prière de l'humble Séraphim ! Comment pourrions-nous ne pas Le remercier pour ce don inexprimable accordé à nous deux ?

 

     Réalisez, petit père, que ce n'est pas toujours aux grands ermites que Dieu manifeste ainsi Sa Grâce. Telle une mère compatissante, cette Grâce de Dieu a daigné panser votre coeur douloureux par l'intercession de la Mère de Dieu elle-même

     Alors, pourquoi ne me regardez-vous pas dans les yeux ? Osez me regarder simplement et sans crainte ! DIEU EST AVEC NOUS !

 

     Après ces mots, je regardai sa face et une peur surnaturelle encore plus grande m'envahit. Représentez-vous la face d'un homme qui vous parle au milieu d'un soleil de midi. Vous voyez les mouvements de ses lèvres, l'expression changeante de ses yeux, vous entendez sa voix, Vous sentez que quelqu'un vous serre les épaules de ses mains, mais vous n'apercevez ni ses mains, ni son corps, ni le vôtre, mais seulement cette éclatante lumière qui se propage à plusieurs mètres de distance tout autour, éclairant la surface de neige recouvrant la prairie, et la neige qui continue à nous saupoudrer, le grand Staretz et moi-même. Qui pourrait imaginer mon état d'alors !

     - Que sentez-vous à présent ? demanda saint Séraphim.

     - Je me sens extraordinairement bien !

     - Mais... Comment cela, « bien » ? En quoi consiste ce « bien » ?

     - Je ressens en mon âme un silence, une paix, tels que je ne puis l'exprimer par des paroles...

 

     - C'est là, votre Théophilie, dit le petit Père Séraphim, cette paix même que le Seigneur désignait à Ses disciples lorsqu'Il leur disait: « Je vous donne Ma paix, non comme le monde la donne. C'est Moi Qui vous la donne. Si vous étiez de ce monde, le monde aurait aimé les siens. Je vous ai élus et le monde vous hait. Soyez donc téméraires, car J'ai vaincu le monde ! ».

 

     C'est à ces hommes, que le monde hait, élus de Dieu, que le Seigneur donne la paix que vous ressentez à présent - « cette paix », dit l'Apôtre, « qui dépasse tout entendement ».

L'Apôtre désigne ainsi cette paix parce qu'on ne peut exprimer par aucune parole le bien-être que ressent l'âme des hommes dans le coeur desquels le Seigneur Dieu l'enracine. Le Christ Sauveur l'appelle « Sa paix », venant de Sa propre générosité et non de ce monde, parce qu'aucun bonheur terrestre provisoire ne peut donner cette paix.

Elle est donnée d'En Haut par le Seigneur Dieu Lui-même, c'est pourquoi elle se nomme: « LA PAIX DU SEIGNEUR ».

 

     Mais que ressentez-vous en plus de la paix ? demanda saint Séraphim.

     - ....une douceur extraordinaire...

     - C'est cette douceur dont parlent les Saintes Écritures: « Ils boiront le breuvage de Ta maison et Tu les désaltéreras par le torrent de Ta douceur ». C'est cette douceur qui déborde dans nos coeurs et s'écoule dans toutes nos veines en un inexprimable délice. On dirait qu'elle fait fondre nos coeurs, les emplissant d'une telle béatitude qu'aucune parole ne saurait la décrire. Et que sentez-vous encore ?

     - Tout mon coeur déborde d'une joie indicible.

     - Quand le Saint Esprit, continua saint Séraphim, descend vers l'homme et le couvre de la plénitude de Ses dons, l'âme de l'homme se remplit d'une inexprimable joie, parce que le Saint Esprit recrée en joie tout ce qu'Il a effleuré 1 C'est de cette même joie dont parle le Seigneur dans l'Évangile: « Quand la femme enfante, elle est dans la douleur, car son heure est arrivée. Mais, ayant mis au monde un enfant, elle ne se souvient plus de la douleur. tant la joie d'avoir enfanté est grande.. Vous aurez de la douleur dans le monde, mais quand Je vous visiterai, vos coeurs se réjouiront et votre joie ne vous sera point ravie ».

 

     Pour autant qu'elle soit consolation, cette joie que vous ressentez à présent dans votre coeur, votre Théophilie, n'est rien en comparaison,de celle dont le Seigneur Lui-même a dit par le voix de Son Apôtre:

« La joie que Dieu réserve à ceux qui l'aiment ne peut être vue, ni entendue, ni ressentie par le coeur de l'homme dans ce monde ».

     Ce ne sont que des « acomptes » de cette joie qui nous sont à présent accordés, et si déjà nous ressentons en nos coeurs douceur, jubilation et bien-être, que dire alors de cette autre joie qui nous est réservée dans le ciel à nous qui pleurons ici-bas.

     Ainsi, votre Théophilie, vous aussi avez assez pleuré dans votre vie sur cette terre, et voyez par quelle joie vous console dès ici-bas le Seigneur. Maintenant, petit père, c'est à nous d'oeuvrer en accumulant les efforts, croissant de force en force pour atteindre la mesure de l'âge (maturité) dans l'accomplissement de l'oeuvre du Christ et pour que les paroles du Seigneur s'accomplissent en nous: « Ceux qui patienteront au nom du Seigneur changeront de force, obtiendront des ailes, tels des aigles, s'épancheront sans fatigue, partiront sans connaître jamais la faim, croissant de force en force, et le Dieu des dieux leur apparaîtra dans la Sion de sagesse et de visions célestes ».

 

     C'est alors que notre joie actuelle, trop petite et éphémère, nous sera donnée en sa plénitude sans que personne puisse nous la ravir et nous remplira de jouissances célestes inexprimables.

     - Que sentez-vous en plus de cela, votre Théophilie ?

     - Une chaleur extraordinaire, répondis-je.

     - Comment cela, chaleur ? Ne sommes-nous pas en pleine forêt, l'hiver, la neige sous nos pieds, qui nous recouvre d'une couche épaisse et continue à nous saupoudrer ? Quelle chaleur pouvez-vous ressentir ici ?

     - Mais une chaleur comparable à celle d'un bain de vapeur à l'instant où son tourbillon vous enveloppe.

     - Et l'odeur que vous sentez, est-elle aussi comme aux bains ?

 

     - Oh ! que non, dis-je. Rien sur la terre ne peut se comparer à cet aromate. Quand autrefois j'aimais danser, aux réunions et aux bals, feu ma petite mère me parfumait parfois avec des parfums qu'elle achetait dans les meilleurs magasins de Kazan. Mais ces parfums ne sont rien en comparaison de ces « aromates ».

     Petit Père Séraphim, alors, sourit agréablement en disant:

     - Je sais, en vérité, que c'est bien ainsi et c'est exprès que je vous questionne sur ce que vous ressentez ! C'est bien vrai, votre Théophilie, rien ne peut se comparer avec le parfum que nous humons actuellement, car c'est l'aromate de l'Esprit Saint qui nous enveloppe. Quelle chose terrestre peut lui être comparée ?

 

     Notez bien, votre Théophilie, que vous m'avez dit tout à l'heure, qu'il faisait chaud comme aux bains. Pourtant regardez, la neige qui nous recouvre ne fond point, non plus que celle qui est sous nos pieds: cette chaleur n'est donc pas dans l'air, mais à l'intérieur de nous-mêmes. C'est cette chaleur que l'Esprit Saint nous fait demander dans la prière, quand nous clamons vers Dieu: « Que Ton Saint Esprit me réchauffe ! ».

 

     Réchauffés par cette chaleur, les ermites ne craignaient plus le froid de l'hiver, habillés comme par des pelisses chaudes dans un vêtement tissé par la Grâce de l'Esprit Saint.

     Et c'est ainsi que les choses doivent être en réalité, puisque la Grâce divine doit habiter au plus profond de nous, dans notre coeur, comme l'a dit le Seigneur: « LE ROYAUME DES CIEUX EST EN VOUS ».

     Et, par le « Royaume des Cieux », le Seigneur entendait la Grâce de l'Esprit Saint. C'est ce « Royaume des Cieux » qui se trouve à présent en nous, et la Grâce de l'Esprit Saint nous éclaire et nous réchauffe aussi de l'extérieur, et embaume l'air environnant de divers parfums et réjouit nos sens de célestes délices, désaltérant nos coeurs d'une inexprimable joie. Notre état actuel est celui-là même dont l'Apôtre Paul disait : « LE ROYAUME DES CIEUX N'EST POINT NOURRITURE OU BREUVAGE, MAIS LA VÉRITÉ ET LA JOIE EN L'ESPRIT SAINT ». Notre foi consiste non pas en « des paroles de la sagesse terrestre mais dans la manifestation de la Force et de l'Esprit ». Nous sommes actuellement avec vous dans cet état.

 

     C'est de cet état précis que le Seigneur Dieu dit : « Certains ici présents ne goûteront point la mort avant d'avoir vu le Royaume des Cieux venir en « Force ».

     Voilà, votre Théophilie, quelle joie incomparable le Seigneur Dieu nous accorde ! Voilà ce que signifie « être en la plénitude de l'Esprit Saint », et c'est cela qu'entend saint Macaire d'Égypte quand il écrit :

« Je fus moi-même en la plénitude de l'Esprit Saint ».

 

     Maintenant le Seigneur nous a, nous aussi, humbles que nous sommes, remplis de cette plénitude de Son Saint Esprit.

     Eh bien, votre Théophilie, il me semble à présent que vous n'allez plus m'interroger sur la façon dont se manifeste dans les hommes la présence de la Grâce de l'Esprit Saint...

     Vous rappellerez-vous, cette manifestation de l'ineffable Grâce divine qui nous à touchés ?

     - Je ne sais, mon Père, dis-je, si Dieu me rendra digne de garder en ma mémoire pour toujours, aussi vivante et nette que je la sens à présent, cette Grâce.

     - Il m'est avis, répondit saint Séraphim, qu'au contraire Dieu vous aidera à garder tout ceci pour toujours en votre mémoire. Sa miséricorde n'aurait pas été aussi immédiatement touchée par mon humble prière et n'aurait pas aussi promptement devancé le voeu de l'humble Séraphim; d'autant plus que ce n'est pas à vous seul qu'il a été donné d'entendre ceci, mais par vous, au monde entier, afin que vous vous affermissiez vous-même dans l'oeuvre de Dieu et que vous puissiez être utile à d'autres.

     Quant à nos états différents, puisque je suis moine et que vous êtes laïque, ne vous en tracassez point; Dieu ne recherche que profession de foi véritable en Lui et en Son Fils consubstantiel. Cette Foi est récompensée d'En Haut abondamment par la Grâce de l'Esprit Saint.

     Dieu cherche un coeur entièrement rempli d'amour pour Dieu et le prochain. Voilà le trône où Dieu aime résider et où Il apparaît dans la plénitude de Sa Gloire céleste.

     « Fils, donne-Moi ton coeur », dit-Il, « et le reste Je te le donnerai par surcroît », puisque le coeur de l'homme peut contenir le Royaume des Cieux. Le Seigneur recommande à Ses disciples : « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et Sa Vérité et tout le reste vous sera donné en plus. Car Dieu, votre Père, sait que vous en avez besoin ! ».

     Le Seigneur ne nous reproche pas la jouissance des biens terrestres, puisqu'Il dit Lui-même que notre condition dans cette vie terrestre nécessite cela, Et la Sainte Église prie pour que tout ceci nous soit donné par le Seigneur Dieu. Et quoique les peines, les malheurs et différents besoins soient inséparables de notre vie sur terre, cependant le Seigneur Dieu n'a pas voulu et ne veut pas que nous soyons conditionnés seulement par les peines et l'infortune, c'est pourquoi Il nous recommande, par les Apôtres, de porter les fardeaux les uns des autres et d'accomplir ainsi la loi du Christ.

     Le Seigneur Jésus personnellement nous donne le commandement de nous aimer les uns les autres, afin qu'étant réconfortés par cet amour mutuel, nous nous rendions plus facile la douloureuse et étroite voie de notre marche vers la patrie céleste. Pour quelle fin serait-Il descendu du Ciel, sinon pour prendre sur Soi notre pauvreté et nous enrichir par le trésor de Sa Grâce et Ses inépuisables générosités.

     Puisqu'Il est venu, non pour être servi, mais pour servir les autres et donner Son Âme pour la rédemption de beaucoup, ainsi, vous, votre Théophilie, agissez de même et, ayant vu clairement la grâce que Dieu vous a accordée, communiquez-la à chaque homme qui désire son salut.

     « La moisson est grande », dit le Seigneur, « et il y a peu de moissonneurs ». Ainsi, le Seigneur nous a envoyés, nous aussi, pour l'action et nous a donné les dons de Sa Grâce pour que, moissonnant les épis du salut de nos proches par le plus grand nombre de personnes amenées par nous dans le Royaume de Dieu, nous Lui apportions des fruits, qui à trente, qui à soixante, qui à cent pour cent.

     Soyons attentifs pour nous mêmes, petit père, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce serviteur infidèle et paresseux qui a enseveli sa mine, mais tâchons d'imiter ces bons et fidèles serviteurs de Dieu qui ont apporté à leur Maître, l'un, au lieu de deux mines, quatre, et l'autre au lieu de cinq mines, dix. Quant à la Miséricorde de Dieu, il n'en faut point douter.

 

     Vous voyez vous-même, votre Théophilie, comment sont accomplies en nous les paroles de Dieu dites par le prophète :

« Je ne suis point un Dieu lointain, mais un Dieu proche, et ton salut est à ta bouche ! ».

Je n'ai pas eu le temps, humble, de me signer, mais seulement j'ai désiré dans mon coeur que le Seigneur vous rende digne de voir Sa Grâce dans toute sa plénitude, que déjà Lui a voulu Se dépêcher immédiatement et en réalité exaucer mon désir. Je ne me vante pas en vous disant cela; ce n'est pas pour vous montrer mon importance et vous induire en envie, pour que vous pensiez que je suis moine et vous laïque: non, votre Théophilie, non ! « LE SEIGNEUR EST PROCHE POUR TOUS CEUX QUI L'INVOQUENT EN VÉRITÉ: IL N'EN VOIT PAS LES VISAGES. LE PÈRE AIME LE FILS ET A TOUT DONNE EN SES MAINS »

 

     Puissions-nous L'aimer, Lui, NOTRE PÈRE CÉLESTE, vraiment comme des fils. Dieu entend également le moine et le laïque, simple chrétien, pourvu qu'ils soient tous deux orthodoxes, aiment Dieu du fond de leur âme, aient la Foi, « n'eut-elle que l'importance d'un grain de sénevé », et tous les deux feront mouvoir les montagnes.

     « UN SEUL FAIT MARCHER DES MILLIERS

     ET DEUX DES QUANTITÉS INNOMBRABLES », dit le Seigneur Lui-même. 

     « TOUT EST POSSIBLE A CELUI QUI CROIT ».

     Et l'apôtre Paul d'élever la voix : « Je puis tout avec le Christ Qui me fortifie »,

 

     N'est-il pas plus merveilleux encore que le Seigneur Jésus, en parlant de ceux qui croient en Lui, dise : « Celui qui croit en Moi, non seulement fera ce que Je fais, mais fera plus que cela, parce que Je vais vers Mon Père L'implorer pour vous, que votre joie soit accomplie. Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en Mon Nom, mais désormais, demandez... ».

 

     Ainsi, votre Théophilie, tout ce que vous demanderez au Seigneur Dieu, vous l'obtiendrez, pourvu que cela soit à la Gloire de Dieu ou pour le bien du prochain.

Car Dieu rapporte aussi le bien du prochain à Sa Gloire; c'est pour quoi Il dit : « Tout ce que vous ferez au plus petit d'entre vous, c'est à Moi que vous le ferez » .

Aussi, n'ayez aucun doute que le Seigneur n'exauce vos prières, du moment qu'elles ont trait à Sa Gloire, au bien et à l'instruction du prochain.

 

     Mais si pour votre propre cause ou nécessité quelconque, ou chose pour vous utile, vous demandez le secours du Seigneur, Il vous exaucera aussi rapidement et sûrement, pourvu que vraiment vous en ayez besoin, parce que Dieu aime ceux qui L'aiment. Dieu est bon pour tous, donne généreusement à ceux qui invoquent Son Nom; Ses générosités sont dans tout ce qu'Il fait. Il fera selon le désir de ceux qui Le craignent; leur prière sera entendue et tout s'accomplira, accompli par Dieu selon ta demande.

 

     Faites attention seulement, votre Théophilie, de ne solliciter que des choses dont vous avez vraiment un besoin pressant. Il n'y aura pas de refus, certes, à cause de votre foi orthodoxe manifestée, en le Seigneur Jésus-Christ. Car Dieu ne mettra pas le « sceptre des justes à la disposition des pécheurs, et fera selon la volonté de David Son serviteur », mais il lui sera demandé pourquoi il L'a prié sans raison valable, en sollicitant des choses dont on peut facilement se passer.

     Ainsi, votre Théophilie, je vous ai maintenant tout dit et montré en réalité ce que le Seigneur et la Sainte Mère de Dieu ont voulu vous révéler par l'intermédiaire de l'humble Séraphim.

     Allez en paix ! Que le Seigneur Dieu et la Sainte Mère soient avec vous, toujours et maintenant et dans les siècles des siècles.

     Amen ! Allez en paix !

 

     Pendant tout cet entretien, depuis le moment où la face de saint Séraphim s'est illuminée, cette vision n'a point changé et, depuis le commencement du récit jusqu'à la fin, saint Séraphim est toujours resté dans la même position.

     J'ai vu de mes propres yeux le rayonnement de lumière ineffable dont il était la source et pourrais le certifier sous la foi du serment.


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